Voyage à Ampolline
Enquête archéologique, toponymique et historiographique sur les origines de la ville du Roeulx, en Hainaut.
Une conférence à l’occasion du GC 2022 de la Confrérie Saint-Feuillien, centre culturel du Roeulx, octobre 2022.
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Sallades en Ballades Vol. 2
Le volume 2 des Sallades en Ballades : Nos vanités (broquette de viole),
par Calisto
Un recueil des meilleurs instants 2020-2021 : une fricassée de bienfaits à arroser à toute heure. De bonnes choses, pour tous les goûts, en festival de sauces !
Heortetopie : rite, sacré et ivresse en mondes de l'art
Intervention dans le cadre du séminaire “Architecture, fête et arts éphémères” en la faculté d’Histoire de l’art / Art contemporain de l’Université de Nantes.
Cette intervention abordera les dispositifs expérientiels de certains "mondes" de l'art sous l'angle du rite, en abordant leurs espaces à la lumière du lieu sacré, de l'hétérotopie ou de l'aire intermédiaire d'expérience, propices à l'invention d'ivresses, de liens et d'imaginaires singuliers.
Écopoétique : écologies du faire (le cas de l’ars brassicole)
« Écopoétique : écologies du faire (le cas de l’ars brassicole) », HEPN / Delta, Namur.
Au menu : culture de la bière et revanche micro-brassicole comme champ d’exploration du concept de « micro », dans ses dimensions économique et écologique. Artisanat, savoir-faire, culture locale, circuits courts et développement durable seront à la carte pour cette première rencontre, qui se terminera par un échange sous forme de questions/réponses.
Le 28 octobre 2021.
HISSÖN (Album 2021)
HISSÖN
Double vinyle
Support USB
Artwork fait main
ÉCOUTER L’ALBUM
Oikopoiese, 2021.
Traces, empreintes, peintures
SSThB - 2020-2021.
REVOLHT
Poursuite des activités du regroupement REVOLHT qui réunit 14 communes contre le dossier Boucle du Hainaut, du géant de l'électricité Elia.
Pour suivre l'actualité de notre action principalement orientée vers le Gouvernement, et visant à défendre l'environnement, le paysage, la santé, le secteur agricole et le patrimoine d’une région entière, retrouvez-nous sur www.revolht.be
Guerre aux démolisseurs
En 1825, confronté aux saccages des monuments emblématiques de la France, Victor Hugo publie un pamphlet, qu'il actualise quelques années plus tard, sous le titre « Guerre aux démolisseurs ». Ce « vandalisme » avait déjà été dénoncé un peu plus tôt par l'abbé Grégoire qui en 1793 en invente le terme, pour dénoncer les destructions commises en dépit du respect dû aux « objets nationaux, qui, n’étant à personne, sont la propriété de tous ». C'est dans le sillage de la Révolution que cette prise de conscience se répand en instillant dans les consciences la nécessité du patrimoine. Au même moment, les biens confisqués à l’Église, puis à la noblesse et à la Couronne, plutôt que de disparaître dans l'indifférence, acquièrent le statut de « biens nationaux » : ils sont le patrimoine de la Nation qui a désormais la responsabilité de choisir ce qui mérite d’être transmis aux générations futures. Participant de cet intérêt naissant pour l'héritage monumental du passé, à préserver pour transmission, Hugo se fait le virulent défenseur des monuments qui constituent à ses yeux rien de moins que l’âme et l’histoire d’un pays. La question qu'il pose, à l'aube du XIXe siècle, alors qu'il n'a encore que 23 ans, est celle-ci : quelle place accorder à la protection du passé dans une époque obsédée par le progrès industriel ? Retenons ces mots, et faisons-les résonner, encore : « Il faut arrêter le marteau qui mutile la face du pays. Une loi suffirait, qu’on la fasse ».
Dans le courant du XXe siècle, l'effort de la patrimonialisation, étendu à tous les domaines, par-delà le seul « monument », s'est mué en une urgence voire une obsession, signe d'un temps qui voit se normaliser et se précipiter le process de la destruction, dommage direct ou collatéral des activités humaines, dont l'exploitation des ressources naturelles, leurs transformations et transports, à l'échelle macro : bienvenue dans l'ère de la globalisation et de la croissance à tout prix ; l'âge, dit-on, de l'anthropocène.
Aussi, la nature elle-même est devenue patrimoine, ce bien dont on hérite, à préserver voire à restaurer : écosystèmes et spécificités naturels, formations géologiques, zones d’habitat d’espèces animales et végétales menacées, sites naturels présentant un intérêt sur le plan scientifique ou en termes de beauté naturelle... Engagée dans une course contre la montre, l'humanité se mesure aux défis systémiques que lui lègue la modernité, qu'animait la foi dans le progrès cultivé par un homme positiviste et techniciste, « maître et possesseur de la nature ».
Mais aux promesses du progrès moderne succède le désenchantement post- ou hyper-moderne. Quel qu'en soit le nom, notre modernité avancée entretient comme dans un état d'inertie l'accélération qui la porte, précipitant la fuite aveugle d'un présent sans avenir. Nos sociétés semblent empêtrées dans leur complexité systémique : tant d'interrelations à considérer entre éléments d'un ensemble que l'on peine à ordonner durablement. La prise en compte de ces éléments, qui mériteraient une gestion et une manœuvre (le gouvernement comme art) mature et sage, est ce qu'on appelle l'écosophie, articulation des écologies environnementale, sociale et mentale, seule manière de remédier collectivement à la détérioration qui affecte simultanément l’intelligence, la sensibilité, les modes de vie individuels et collectifs dans nos environnements multiples.
Chaque jour, nous sommes confrontés à la réalité de faits attestant de cette difficulté croissante de faire face aux défis de notre époque, sans dégrader davantage ce monde déjà sévèrement abîmé. La Boucle du Hainaut est un cas parmi tant d'autres qui rappelle l'incapacité pour nos collectivités à développer des solutions d'avenir respectueuses et conçues dans une logique systémique. Elle manque à la nécessité de l'intelligence systémique, du moins dans sa conception. Ce que la Boucle a catalysé, alors, c'est un incroyable sursaut de résistance, portée par l'intelligence collective. Résistance dans le double sens d'une force s'opposant à une autre (principe tant physique qu'idéologique), et d'un mouvement organisé en lutte contre l'occupation. Par-delà leurs différences, ce sont des milliers de citoyens qui se sont engagés dans un mouvement de résistance visant à contrer la bêtise industrielle des solutions inadaptées, imposant un monde peu enviable, le faisant passer pour inévitable. Cette prise de position et l'action collective qu'elle entraîne relèvent, plus que d'une levée de boucliers, d'une véritable prise d'armes.
Le projet que se donne le mouvement REVOLHT n'est pas tant une défense des intérêts régionaux, dont il nous appartient de protéger le patrimoine, les populations, les environnements et cadres de vie, qu'une entreprise de démystification des sociétés et institutions technocratiques portées par des intérêts discutables ou, pour le dire plus honnêtement, condamnables.
REVOLHT souffle par-delà les frontières communales, provinciales et régionales : il est un vent de colère qui dit l'inacceptable et refuse la soumission aux entreprises privées qui sous prétexte de la croissance (devenu synonyme de bienfait sociétal) – et pire, pour certaines, d'utilité publique – imposent des modèles de développement contraignant et dommageable, dans une logique impérialiste. C'est aussi un refus unanime des aveuglements politiciens, parfois volontaires (primauté des intérêts économiques, choix de l'option logistique ou structurelle la plus rapide ou moins coûteuse, et autres prétextes justifiant le pire), parfois non (méconnaissance du fond du dossier, manque d'anticipation, d'étude et d'analyse).
Apolitique, REVOLHT appelle, par-delà les considérations de couleurs, au ralliement des hommes et femmes de bon sens afin de préserver l'essentiel, à savoir le bien-être des populations (humaines et non-humaines) et leurs territoires, tant naturels que culturels, plutôt que de se soumettre aux logiques industrielles dépassées qui, aveuglées par la nécessité du « toujours plus », justifient par des montages chiffrés et alarmistes (« Voyez ces tableaux ! Ils sont la vérité : ce monde qui sature, demain, ne sera pas assez ! ») le cauchemar de lendemains immondes.
En ce sens, si les citoyens se mobilisent par dizaines de milliers, ce n'est pas tant pour défendre des intérêts personnels que pour initier et mener un mouvement qui excède toute satisfaction privée et immédiate. Ce que ces citoyens mènent, par dizaines de milliers et pour le bien commun, c'est une guerre aux démolisseurs.
Car qu'est-ce qu'une dégradation volontaire d'un bien, d'un patrimoine (dans son sens étendu : ce dont on hérite, en ce compris les cadres naturels et culturels), sinon du vandalisme ? Pire, la dégradation des environnements, de la santé (physique, psychologique), de l'immobilier, du patrimoine et de l'attractivité des régions est une démarche assassine. Bien sûr, on pourra toujours justifier la démarche en la prétendant nécessaire, mais le sacrifice n'adoucit pas l'assassinat. Justifier la cardiectomie (technique rituelle de sacrifice humain consistant à extraire le cœur, encore palpitant, de la cage thoracique) par une offrande aux dieux n'enlève rien à la souffrance du supplicié, ainsi assassiné. Et quand le massacre se déguise en charité (perpétré à tort pour « le bien de tous » – l'utilité publique), il est doublement condamnable, car pervers (rappelons la justification psychologique du sacrifice et son ambiguïté, en ce qu'il assurerait la cohésion et la pérennité du groupe protégé de toute « violence intérieure », évacuée par des rites magico-religieux).
Il nous faut par ailleurs défendre, avec toute l'ardeur possible, la nécessité du paysage. Le paysage est une notion complexe : il est un mélange de populations végétales, d’habitat faunique, de patrimoine (immobilier, industriel...), de pratique agricole et d'infrastructures techniques, entre autres aspects, à la croisée de l'urbanisme, de l'industrie, de l'écologie, de l'esthétique et de l'éthique environnementale. La nature complexe de l'approche paysagère implique d'intégrer l'ensemble de ces aspects, au risque d'échouer dans une démarche qui se voudrait qualitative. Par-delà les premières significations de cette notion, principalement héritée du domaine des Beaux-Arts, le paysage est devenu une science et une pratique – consciente ou non, toute activité humaine ayant une incidence sur le cadre paysager. Nos universités et écoles supérieures enseignent cette connaissance et cet art. Comment est-il possible de considérer la question paysagère comme étant inessentielle ? Faire paysage, c'est designer l'environnement. Cet environnement étant partagé et vécu, il participe du socius et de l'expérience ordinaire : il est le lieu d'un partage du sensible.
Les signes se multiplient d'un nouveau rapport aux environnements habités, qu'ils soient urbains ou ruraux, ouvrant des horizons nouveaux à la pensée du paysage et à sa conception. Le paysage serait « une donnée constitutive et ineffaçable de la vie individuelle et sociale » (J.-M. Besse, La nécessité du Paysage) ; en d’autres termes, on ne saurait vivre sans paysage, puisque celui-ci « fait partie de nos vies et il en est une condition et une dimension constitutive ». Telle serait la raison de sa « nécessité », qu’il faut donc entendre en un sens existentiel et ontologique, par-delà les enjeux psychologiques du bien-être ou les critères esthétiques de la beauté, par exemple.
Les métastructures existantes (l'enchevêtrement des systèmes économico-politiques) sont actuellement incapables de répondre au plus grand défi de l'humanité (la soutenabilité), se contentant de multiplier des concepts inopérants comme ceux de durabilité ou de transition. Nous ne dépasserons pas cette crise sans procéder à un renouvellement de la pensée, en vue d'un nouveau paradigme, une intelligence vraiment systémique, relationnelle, ni sans mettre en cause tant la façon dont, à la racine, on interprète et abuse de la productivité (le productivisme) et de son corollaire l'énergie, que les modes de consommations et usages qui les accompagnent, moteurs du mythe et mirage de la croissance.
Il y a urgence de transformer notre architecture de pensée. Seule l'intelligence systémique pourra relever le challenge que représente le monde de demain, qui est déjà le monde d'aujourd'hui. La systémique (du grec systema, « ensemble organisé ») préconise une vision macroscopique du monde qui substitue à l’analyse de chaque élément d’un ensemble une conception de l’ensemble en envisageant des relations existant entre chacun de ses éléments, favorisant une approche transdisciplinaire fondée sur les interactions et les interdépendances. L’approche systémique, centrée sur les concepts de structure, d’information, de régulation, de totalité et d’organisation, suppose une attitude relationnelle et une approche transdisciplinaire, posture scientifique et intellectuelle qui se situe à la fois entre, à travers et au-delà de toute discipline, favorisant le dialogue entre les sciences, tant exactes qu’humaines. Ce système de pensée est ce que l'on nomme l'épistémologie complexe : il nous faut penser « en relation ».
Car le débat est d'abord intellectuel : il porte sur des visions, des représentations du monde. Le sujet divise, car chacun l'appréhende selon un certain biais (cognitif). Entre les représentants de l'illusion techno-optimiste, les faiseurs de profit, les techno-sceptiques et les environnementalistes, les lectures du dossier sont toujours orientées en fonction de connaissances, de croyances et d'intérêts.
Par contre, par-delà le débat de fond sur la nécessité de cette liaison et sur le modèle d'un « super grid » européen (grille transnationale de distribution grâce à laquelle l'électricité sera une commodité échangée par-delà toute frontière, offrant des opportunités nouvelles de business avec pour effets souvent ignorés : risque de faillites des entreprises productrices d'électricité plus faibles, dépendance géopolitique, effets pervers pour les pays trop dépendants, ombrage aux plus sobres projets de production d'énergie localisés, etc.), ce qu'on ne peut ignorer et nier, c'est que la solution proposée par Elia est envahissante, irrespectueuse, dommageable, destructive.
Le projet actuel ne respecte pas les termes de l'accord du Gouvernement wallon dans sa Déclaration de politique générale (septembre 2019), laquelle obligeait Elia à limiter autant que possible l'impact négatif sur les paysages et l'environnement, notamment au niveau des champs électromagnétiques. Ce dossier est en échec sur des points fondamentaux : évitement des zones d’habitats, respect des critères environnementaux et patrimoniaux, regroupement sur des infrastructures existantes, évitement de sites SEVESO et aéroports. En effet, sans le moindre souci des contraintes imposées, pour réduire les coûts de son infrastructure et assurer des délais de chantier rapides, le projet Boucle du Hainaut déposé par Elia croise sans évitement : écoles maternelles, primaires, et milliers d'habitations (explosion des cancers pédiatriques à prévoir : le lien statistique est avéré, et admis par Elia), fermes, élevages, crèches, corridors écologiques, réserves naturelles, biens classés au patrimoine (églises, châteaux...), points et lignes de vue remarquables, zones d'exploitations agricoles, gîtes, conduites de gaz très haute pression, zoning économiques, refuges pour animaux, aéroport, site SEVESO...
Par ailleurs, le Code du Développement Territorial insiste sur le développement durable et attractif du « territoire » pour lequel la modification du plan de secteur est demandée. Or, le territoire concerné par la Boucle du Hainaut ne sera pas bénéficiaire (il n'est pas directement desservi mais traversé) mais victime : secteur agricole touché, gâchis paysager, risques sanitaires, patrimoine, immobilier, etc. Ce projet participe donc d'une dévaluation à de nombreux points de vue : il rend le territoire inattractif. La Boucle du Hainaut est donc en inadéquation avec les critères définis par le Code du Développement Territorial.
Rappelons que les pouvoirs communaux des 14 communes concernées, toutes couleurs confondues, ont exprimé un avis négatif ou de ferme opposition au projet, relayés par 22.000 courriers citoyens et mobilisations diverses, dont visites ministérielles. Ces innombrables voix alertent sur ces dommages et infractions, le non respect des précautions et l'inadéquation avec le code du développement territorial. Pour ces raisons, il nous semble inconcevable d'accéder à la demande de modification du plan de secteur.
Aussi faut-il faire la part des choses entre le débat portant sur l'utilité et l'intérêt de cette Boucle et le dossier déposé par Elia qui concerne la modification du plan de secteur. Refuser ce dossier n'est pas refuser l'existence d'une infrastructure permettant de résoudre, d'optimiser ou de compléter le réseau de distribution d'énergie. Ce que REVOLHT refuse sans nuance ni compromis, c'est l'infrastructure que souhaite implanter Elia, telle que projetée dans ce dossier. REVOLHT demande donc aux organes de consultation et aux personnes impliquées dans ce dossier de juger l'infrastructure destructive envisagée, quand bien même la nécessité de cette liaison serait avérée. Que cette nécessité soit absolue n'implique pas que l'infrastructure soit appropriée : des alternatives existent, des solutions sont déjà là, discutées autour de certaines tables. Contre le simplisme et la politique des raccourcis, ayons le courage des solutions complexes (systema), pour un projet de société acceptable.
Au fond, le dossier Boucle du Hainaut, dans cette version contestée, est un signe de plus du process de rustinisation que cultive notre société qui, confrontée à ses limites et à des phases de saturation, mise sur des infrastructures venant soulager temporairement l'étranglement. Parfois, des interventions cosmétiques qui n'ont d'écologique que l'intention marketing prétendent compenser l'environnement détruit (Elia Life, par exemple). Rustine par rustine, cette logique incapable de repenser le modèle de façon globale et systémique dégrade les milieux dans lesquels humains et non-humains auront à vivre. Cette perception que les besoins en énergie « verte » justifient la dégradation des cadres de vie participe de l'illusion de l'innovation salvatrice. Cette confiance aveugle dans les effets de la technologie s'enracine dans l'utopie de la modernité. Certes, de nombreuses avancées justifient en partie la vision optimiste largement répandue. Mais dès lors que l'on prend en compte non pas les effets mais les « impacts » des innovations high techs sur l'environnement à travers l'utilisation qui en est faite et les dérives consuméristes associées (réchauffement climatique, pollution des sols, des rivières, et de l'air, destruction massive de la biodiversité, acidification des océans...), il n'est pas raisonnable de croire que l'innovation sauvera la société humaine dans les temps nécessaires.
Il faut par ailleurs compter sur l' « effet rebond » : si une innovation permet un gain d'énergie ou de ressources pour une technologie donnée, la consommation de cette technologie va augmenter de manière systématique, compensant les conséquences positives attendues.
Nous encourageons à ce titre la perspective écomoderniste qui mise sur le développement de technologies permettant de découpler les impacts anthropiques du monde naturel, en séparant par exemple la prospérité économique de la consommation des ressources et d'énergie. Aussi ne nous passerons-nous pas d'artifices, de techniques et de prothèses pour autant qu'ils soient non-destructifs.
Répondre aux exigences de confort de notre société tout en étant respectueux de l'environnement est un défi pour les chercheurs, ingénieurs, décideurs, etc. Mais ceci implique d'ouvrir davantage l'esprit, de penser « en relation », de mettre la créativité au service d'un bien qui soit vraiment commun, et d'oser se mesurer, entre autres, aux logiques consuméristes. Impossible, se dit-on. Et pourtant, à défaut d’une volonté ou d’une aptitude à la sobriété, valeur morale positive permettant à l’individu de rester pleinement en capacité d’agir et d’être maître de ses actions, par l’autolimitation d’un désir trop puissant (la sobriété est un modèle de développement refusé par la plupart), il faut à l’humain une mesure d’équilibre qui soit à la fois pratique, réaliste, viable et enviable, au risque de manquer à son projet : la soutenabilité.
Arrêtons-là ces quelques lignes, qui pourront sembler vaines. Elles sont au contraire, pensons-nous, la condition nécessaire au changement. Il nous faut des mots pour dire le projet, autant que des gestes, des propositions et des actions pour résister au simplisme ordinaire et dégradant. L'enjeu est celui-ci : assurer un avenir désirable. Il nous faut rendre ce monde autrement excitant. D'une intelligence et d'une sensibilité qui stimulent et déterminent de nouveaux horizons. Il faut cultiver l'enthousiasme – élément moteur d'un élan nommé REVOLHT ; c'est-à-dire, littéralement, cette exaltation de l'âme et des facultés, cette inspiration qui éveille, ravive, passionne, insuffle à l'expérience de la vie des volontés et des idées neuves capables d'enrayer la sclérose de l'imagination, au bénéfice d'un paysage fertile qui soit la condition de notre existence autant que son projet.
TERRE : Pour une civilisation des jardins
Les crises du monde présent génèrent, sur l'agora de notre parole, toutes voix humaines confondues, une cacophonie, un tohu-bohu de complaintes et d'accusations qu'il nous faut nécessairement dépasser. Ce dont nous avons besoin, avant toute chose, c'est de discernement – sens premier du mot crisis.
Car nous ne pouvons inlassablement pointer du doigt les conséquences négatives des processus d’industrialisation, les dysfonctionnements de l’économie, l’aliénation au travail et la pollution, responsable de la détérioration des écosystèmes et de la disparition de milliers d’espèces animales et végétales... sans nommer la tumeur, la racine de ce mal : le productivisme, et sa chimère, la croissance.
L’action de l’homme sur la planète a fait entrer celle-ci dans ce que l'on considère comme une nouvelle époque géologique, l’Anthropocène, qu’accompagne cette angoisse : l’action humaine serait devenue une menace pour son espèce. Les métastructures existantes (l'enchevêtrement des systèmes économico-politiques) sont actuellement incapables de répondre au plus grand défi de l'humanité, se contentant de multiplier des concepts inopérants comme ceux de durabilité ou de transition. Nous ne dépasserons pas cette crise sans procéder à un renouvellement de la pensée, en vue d'un nouveau paradigme, une intelligence vraiment systémique, relationnelle, ni sans mettre en cause tant la façon dont, à la racine, on interprète et abuse de la productivité et de son corollaire l'énergie, que les modes de consommations et usages qui les accompagnent, moteurs du mythe et mirage de la croissance.
Mythe et mirage de la croissance ?
Depuis ses origines, la vie croît en capitalisant de la matière organique et du patrimoine génétique. Caillou stérile à l’origine, notre planète s’est terraformée d’elle-même, grâce à l’action de la vie. Les successions de vies et de morts permettent la création d’humus qui s’accumule et permet à des formes de vie de plus en plus nombreuses et de plus en plus complexes d’advenir. Les vagues d’extinctions qui se sont produites dans son histoire n’ont fait que ralentir ce mouvement, qui semble sans fin. Ainsi croît la vie.
En va-t-il de même de la croissance fantasmée par l'économie mondiale, prétexte à l'équilibre de ce monde, ainsi façonné dans l'exploitation jusqu’au-boutiste des ressources naturelles ? La croissance ne peut être infinie, en un système physique fermé. L'homme peut rêver à tous les mondes possibles, la physique contraint sa réalité. Elle est la contrainte primordiale. La connaissance première se doit d'être celle des sciences naturelles, une connaissance et un respect des lois de la φύσις – la nature. À partir d'elle, l'homme développera une sensibilité (une esthétique) lui permettant d'inventer des formes de vie et d'harmonie, c'est-à-dire d'union et d'habitabilité. Avec pour nécessité première l'invention d'un cosmos (l’interprétation d’un univers organisé, à habiter), les cultures ont en commun ce besoin d'ordonnancement : l'organisation du territoire, des biens, des coutumes et des lois, préservent du chaos. Ainsi se constituent nos mondes humains. Mais selon une vue de l'esprit – vitaliste –, le propre du vivant est de croître, poussé par la nécessité ou la volonté d'être, dans un devenir plus, en expansion – de l'organisme unicellulaire aux élans impériaux de notre humanité – et sa rêverie terraformatrice d'autres planètes. Là est la question : quelles sont les conditions de cette croissance, synonyme contemporain de développement et d'évolution, quand elle est source de maladie, altérant la santé du système organique qui, loin de n'être que la toile de fond dans laquelle elle se joue, en est la condition-même ?
C'est en ce sens qu'il faut repenser la croissance. Au monde présent s'impose la nécessité d'une abondance qui n'épuise pas la diversité du patrimoine génétique, fondamental. Plus ce patrimoine est diversifié, plus il offre des possibilités de réponses aux changements, une garantie d'évolution et donc une continuité du vivant. Cette dynamique, mise à mal par la modernité, doit être encouragée au travers d'une forme de bioaccroissionisme : un accroissement de la biomasse, de la diversité des espèces et de la diversité génétique au sein de celles-ci. Viser l'abondance, c'est garantir un disponible supérieur aux besoins, et donc un équilibre viable. C'est favoriser la capacité du système à s'autoréguler : une homéostasie. L'antique cornu copiae, ou corne d'abondance, source inépuisable de bienfaits, regorgeant de fruits, de lait, de miel et autres aliments doux et sucrés, était déjà un symbole de prospérité, de richesse et de fécondité. Car ce qui abonde doit nécessairement être fécond, au risque de n'abonder que temporairement, jusqu'à épuisement. Et si la vie croît, c'est parce qu'elle est féconde. Il n'est donc pas envisageable de penser une croissance qui infertilise la vie, la terre. La Terre.
Voilà quel doit être le projet de notre modernité avancée, et de son intelligence systémique : une civilisation non de la croissance infertile mais de l'abondance. L'enjeu de ce projet ? L'homéostasie, la capacité d'évolution, et sur le plan du récit : dépasser l'aporie moderne et assurer un avenir désirable.
Poétiques du jardin
Dans notre histoire, le jardin, lieu d'accumulation du « meilleur » (meilleurs fruits, fleurs, légumes, arbres, meilleur art de vivre, meilleures pensées), put être mythique, mystique ou réel, qu'il fut nourricier, médicinal, d'agrément ou d'étude et de conservation. À l'origine pensé comme un espace clos, un monde coupé du monde, un monde dans un monde, le jardin hétérotopique a vu sa conception évoluer jusqu'à devenir planétaire : la Terre est, comme le jardin, un espace clos, fini et arpentable que l'Homme, en bon jardinier, doit ménager. Ce concept récent est forgé à partir d’un triple constat.
D'abord, au fur et à mesure que se sont approfondies les connaissances sur le vivant et son milieu, la notion de finitude écologique s'est installée, faisant apparaître le caractère fini de la biomasse planétaire, rendant la vie précieuse, précaire, épuisable. Cette prise de conscience responsabilise l'homme, gestionnaire de ce territoire et de ses ressources limitées, et pose les limites de l'enclos qui contient la diversité du vivant : la biosphère.
Le brassage planétaire, ensuite, est le résultat de la circulation permanente des flux autour de la planète : vents, courants marins, transhumances animales et humaines, par quoi les espèces véhiculées se trouvent constamment mélangées et redistribuées. Si ce brassage est une menace pour la diversité spécifique, elle entraîne de nouveaux comportements, de nouveaux paysages et parfois de nouvelles espèces. Le jardin, en acclimatant des espèces d'origines très différentes, génère des rencontres qui, a priori artificielles, créent un nouveau milieu possiblement fécond.
Enfin, cette planétarisation du jardin est permise par la couverture anthropique qui désigne la capacité nouvelle de l'homme à observer la totalité du territoire terrestre par des technologies diverses, satellitaires notamment. L'ensemble de ce territoire est de ce fait connu, et tout changement observable.
Cette philosophie du jardin suggère de limiter toute forme d'interventionnisme et de penser celui-ci comme une extension du mouvement inhérent à la nature. Laisser être le jardin n'empêche pas de le penser, de le composer, de l'orienter. En ce sens, l'action humaine n'est pas destructive mais accompagne et prolonge le process de la nature. Le jardin en mouvement cristallise le cycle inéluctable de la vie, et inscrit le cadre dans lequel prennent corps nos expériences : il est un contexte favorable avec lequel résonner, en tous points. En tant que milieu à chaque fois spécifique, il offre un monde à habiter, et ouvre des voies de résilience face au changement climatique et à l'urbanisation dévorante. Ce qui est ici projeté sur le plan végétal peut l'être sur le plan minéral : à titre d'exemple, l’architecture doit apprendre à faire corps avec le paysage, prolonger la géologie en faisant de l'habitat une excroissance de la Terre. Ainsi fonctionnerait une civilisation capable d'exploiter des ressources et des milieux, tout en permettant leur abondance, plutôt que d'entraîner leur destruction, directe ou collatérale. Ainsi abonderait une civilisation des jardins.
Par son art, le jardinier se positionne en catalyseur, en expérimentateur, en poète, en brasseur qui espère et croit en l'alchimie des éléments qu'il assemble pour faire lieux et liens, à la croisée des activités, des arts et des savoirs. Cette poétique est littéralement un faire : le faire jardin.
Il nous faut faire du jardin un moyen autant qu'une fin. Inventer des techniques pour à travers lui articuler le micro et le macro, le local et le global, et cultiver la cohabitabilité de la biosphère et de la technosphère. Si le mouvement semble localement initié, là où s'implantent de nouvelles forêts, soit par reforestation spontanée soit par plantation, ces cas sont encore trop ponctuels et isolés, et doivent ouvrir la voie à une systématique de la reforestation d'espaces destinés à devenir de véritables écosystèmes, complexes, qui à long terme boosteront les ressources génétiques forestières et fauniques, notamment.
Le mythe de l'arche de Noé a trouvé à travers le temps de nombreuses résonances, et actualisations. Des banques de conservation, telles que les réserves mondiales de semences de plantes sauvages ou cultivées, ponctuent la surface du globe afin que ce patrimoine ne soit pas conservé en un seul lieu. La limite de l'arche est de penser la conservation ex-situ qui réduit les capacités évolutives et donc l'adaptabilité des espèces à un monde changeant. Il faut ensemencer la Terre d'une diversité génétique, clef pour que la vie continue à abonder en résilience face aux catastrophes et aux changements inhérents au vivant, dans une temporalité longue.
Bien sûr, faire jardin, quelle qu'en soit l'échelle, n'est pas un geste dont on profite immédiatement : il s'inscrit dans une temporalité longue, et ouvre à des perspectives d'à-venir. Tout jardinier sait que son ouvrage se compose et s'augmente patiemment, au fil des tentatives, découvertes, échecs, leurres, déceptions, réjouissances, surprises... À tâtons, il tisse un dialogue avec une nature qu'il laisse être et dans le même temps tente d'influer, en composant avec elle, en conjuguant envies et aléas.
Cette projection nourrit le récit et appelle l'art de la transmission. Qu'il soit nourricier, d'agrément ou de conservation et d'étude, ou tout cela à la fois, le jardin est l'occasion d'un partage de connaissances. Il peut être observé, senti et étudié ; il favorise la découverte des familles, genres, espèces et variétés botaniques et la compréhension de leurs dépendances aux conditions climatiques, géologiques et écosystémiques. Par-delà son statut de banque vivante pour la préservation des espèces dans leur grande variété, il contribue à la formation d'un esprit sensible aux interrelations. Le jardin est édifiant.
Ce à quoi il faut procéder, ensuite, c'est à la mise en réseau de ces îlots, de sorte que ces systèmes s'articulent en un chapelet, un archipel de jardins, constituant un ensemble valant plus que la somme des parties. Ce réseau écologique s'est déjà expérimenté au travers du bocage, ce paysage agraire identitaire où les champs cultivés et les prés sont enclos par des levées de terre ou talus portant des haies et taillis, et des alignements plus ou moins continus d'arbres et arbustes sauvages ou fruitiers. Ses réseaux imbriqués sont autant d'éléments jouant un rôle de corridors biologiques. Ce maillage est un milieu multifonctionnel : outre les fonctions biologiques du bocage, en tant que zone d'habitat faunique propice à la biodiversité, son système de fossés, talus et haies présente une grande importance écologique en ce qu'il contribue à l'action anti-érosive, joue le rôle de brise-vent, aide à la circulation et à l'épuration de l’eau, améliore la production agricole, et contribue au cadre de vie en structurant l'habitat humain dispersé sous forme de hameaux.
Cette toile optimale sur le plan écologique est une perspective encourageante car éprouvée. Contre sa disparition, ne nous contentons pas de la protéger. Il faut l'augmenter. En faire une logique, une structure. Il faut embocager le monde.
Faire jardin est une poétique, et une politique : c'est un faire paysage.
Le paysage est une notion complexe : il est un mélange de populations végétales, d’habitat faunique, de patrimoine (immobilier, industriel...), de pratique agricole et d'infrastructures techniques, entre autres aspects, à la croisée de l'urbanisme, de l'industrie, de l'écologie, de l'esthétique et de l'éthique environnementale. La nature complexe de l'approche paysagère implique d'intégrer l'ensemble de ces aspects, au risque d'échouer dans une démarche qui se voudrait qualitative. Par-delà les premières significations de cette notion, principalement héritée du domaine des Beaux-Arts, le paysage est devenu une science et une pratique – consciente ou non, toute activité humaine ayant une incidence sur le cadre paysager. Faire paysage, c'est designer l'environnement. Cet environnement étant partagé et vécu, il participe du socius et de l'expérience ordinaire : il est le lieu d'un partage du sensible.
Ars & Systema
Mais informer l'environnement au travers de ce maillage jardiné ne sera envisageable qu'à la condition de transformer notre architecture de pensée. Seule l'intelligence systémique pourra relever le challenge qu'il représente. La systémique (du grec « systema », « ensemble organisé ») préconise une vision macroscopique du monde qui substitue à l’analyse de chaque élément d’un ensemble une conception de l’ensemble en envisageant des relations existant entre chacun de ses éléments, favorisant une approche transdisciplinaire fondée sur les interactions et les interdépendances. L’approche systémique, centrée sur les concepts de structure, d’information, de régulation, de totalité et d’organisation, suppose une attitude relationnelle et une approche transdisciplinaire, posture scientifique et intellectuelle qui se situe à la fois entre, à travers et au-delà de toute discipline, favorisant le dialogue entre les sciences, tant exactes qu’humaines. Ce système de pensée est ce que l'on nomme l'épistémologie complexe.
À cette « épistémè » (connaissance) il nous faut articuler des « tekhnè » (arts, techniques), qui rendront opérant le maillage escompté. Le levier pratique de cette opération est donc l'articulation de divers arts, qui seront les outils concrets de cette invention. Il y a un enjeu capital à saisir la teneur du terme : « art ». L'art fut d'abord un moyen, dans son sens premier (ars, tekhnè, la « technique », la « manière de faire »), une pratique (et la manière de l'exercer – le style) au service d'une fin, qui la dépasse : il est la maîtrise de techniques capables de faire advenir ce qui n'est pas encore (le projet). Ainsi en va-t-il des métiers d'art qu'ont pratiqués et transmis les artistes/artisans de l'Antiquité au Moyen Âge – dans une hiérarchie distinguant les arts libéraux (arts de l'esprit, intellectuels et scientifiques) des arts mécaniques (arts de la main et de la matière). Pour l'artiste de la Renaissance, dessiner le monde, c'est le concevoir, le modéliser, l'architecturer (ordonnancer, construire), l'informer (to design) : cette activité contient un projet, un dessein. Plus récemment, au siècle dernier, l'art s'est focalisé sur cette interprétation de l'art comme idée, comme concept, dématérialisant cette activité qui dès lors put s'informer tant dans un objet que dans une démarche, un geste, une attitude. L'Histoire agissant comme un entonnoir lexical a précisé ou réduit l'acception première du terme (l'ensemble des règles d'une opération – il y a en ce sens un art pour toute chose) à une signification limitée : l'art désigne aujourd'hui un certain genre d'ouvrage, produit en un certain monde de l'art, participant d'une plus large culture. Tout art, néanmoins, impliqua en son temps un savoir et un faire, au service d'une fin extérieure ou de sa propre cause.
Il nous faut donc mettre en perspective la pratique artistique au regard des mutations de notre époque, confrontée aux enjeux environnementaux, énergétiques, sociétaux d'une complexité croissante, à une échelle globale, planétaire. La pratique des arts, dans cette conception étendue à toutes activités humaines, doit intégrer la logique systémique en accord avec l'esprit du temps, seule manière de dépasser la vision parcellaire et sectorielle de nos activités, par nature interdépendantes. S'il faut cultiver le symbolique et l'invention de formes qui cristallisent l'esprit du temps, c'est pour qu'ils soient agissants. La question est opérationnelle : il ne s'agit pas seulement d'imaginer ou de dépeindre le monde, mais de travailler à son organisation, par-delà les territoires et lieux réservés de l'art. À un plus large niveau, il nous faut travailler à une structure étendue de l'apprentissage des arts, plus ouverte, systémique, pour que ceux-ci aient un impact significatif sur le réel, qu'ils informent, au sens propre (donner forme). Les ouvriers qualifiés de cette poétique des jardins agiront donc, par leurs arts de faire, à la croisée des activités humaines, avec le monde pour projet.
Un monde est la représentation d'un certain ordre, un agencement, une organisation, une régulation – il n'est qu'un parmi d'autres possibles. L'art d'habiter ou d'inventer un monde désigne les outils, les moyens et les manières propres à chacun de se constituer un monde (qui lui soit propre) et une représentation ou interprétation du monde (commun, partagé), qu'il impacte, façonne, travaille de façon particulière. Le monde devient un projet quand se manifeste l'intention d'agencer ou de façonner celui-ci selon une vue déterminée. Ce projet nécessite des outils, des moyens et des manières : des arts, qui excèdent la seule question esthétique, le but n'étant pas de rendre le monde plus beau au fur et à mesure que nous le détruisons, mais de le rendre viable et habitable. Nous devons inventer une école des arts d'habiter. Une écopoétique.
Si l'économie est l'ensemble des règles (νόμος : règle, loi) qui régulent et permettent d'administrer la maison / l'habitat / l'organisation (οἶκος : maison, patrimoine), si l'écologie est la science (λόγος : discours, connaissance) ayant pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes, etc.) entre eux ainsi qu'avec leur habitat, si l'écosophie renvoie à la sagesse (σοφός : sagesse, savoir) de ces relations et à l'articulation des écologies environnementales, sociales et mentales, l'écopoétique désigne, elle, l'invention (ποίησις : création) de l'habitat, la manière d'habiter ou d'inventer un monde.
Ce projet s'inscrit dans une perspective écomoderniste qui mise sur le développement de technologies permettant de découpler les impacts anthropiques du monde naturel, en séparant par exemple la prospérité économique de la consommation des ressources et d'énergie. Aussi ne nous passerons-nous pas d'artifices, de techniques et de prothèses pour autant qu'ils soient non-destructifs. L'enjeu est de réussir à abonder sans augmenter les atteintes à l'environnement, qu'il faudra nécessairement enrichir d'une pensée et de pratiques du jardin, dans la perspective d'une terraformation réinventée, d'une écogenèse, d'une écopoétique.
Mais ce dessein sera total ou ne sera pas. Il n'y a pas de paradigme de la demi-mesure. Complexe, ce projet doit être tout à la fois métapolitique, épistémologique, praxique, technique, poétique et esthétique.
Le modèle
Ceci est une modélisation. En synthèse, elle projette un réseau de jardins qui constellent dans leurs spécificités contextuelles constituant un maillage en mouvement, entre jardins alimentaires, d'agrément, friches, jachères, réserves, ponctués de nœuds de force que seraient les institutions d'enseignement et universités de demain. Ces lieux à inventer se situeraient à la croisée de modèles connus, tels que l'antique Mouseion, sanctuaire, lieu de mémoire, de recherche et d'articulation des savoirs, mêlant jardin et promenades, autels, bibliothèque, observatoire, jardin botanique et institut d'anatomie. En articulant des arts libéraux tels que la philosophie, la médecine, la zoologie, la botanique ou encore l'astronomie et la géométrie, il a constitué un modèle pouvant inspirer une remise en question de notre enseignement purement analytique au profit d'une approche systémique, indispensable pour gérer les écosystèmes et les complexités croissantes. Le monastère et l'abbaye ont à leur manière constitué d'autres lieux tout à la fois d'étude et de conservation du savoir, d'exercice de la spiritualité et de l'hospitalité, de production et de culture autarcique mêlant jardins fonctionnels (potager, verger, jardin médicinal) et spirituels (cloître), ou les deux simultanément (le cimetière / verger), constituant la toile médiévale d'une culture spécifique. Dans son échelle planétaire, le temps présent a toutes les ressources pour à son tour inventer un cadre de pensée et de pratique qui exprime et cristallise les connaissances et les arts qui lui sont propres, dans l'intention de relever l'un des plus grands défis auxquels nos humanités, d'une complexité sans précédent, ont jamais été confrontées : se constituer en une civilisation de la soutenabilité dont l'évolution et le développement tiendraient de l'abondance, de l'hypergenèse non-destructive. Et si chimère il y a, substituons à celle de la croissance celle de la plénitude, caractère de ce qui est épanoui, entier, complet et satisfaisant. Car à défaut d’une volonté ou d’une aptitude à la sobriété, valeur morale positive permettant à l’individu de rester pleinement en capacité d’agir et d’être maître de ses actions, par l’autolimitation d’un désir trop puissant, il faut à l’humain une mesure d’équilibre qui soit à la fois pratique, réaliste, fertile, viable et enviable, sans jamais empêcher la rêverie : l’abondance.
L'enjeu est celui-ci : assurer un avenir désirable. Il nous faut rendre ce monde autrement excitant. D'une intelligence et d'une sensibilité qui stimulent et déterminent de nouveaux horizons. Il faut cultiver l'enthousiasme, c'est-à-dire, littéralement, cette exaltation de l'âme et des facultés, cette inspiration qui éveille, ravive, passionne, insuffle à l'expérience de la vie des volontés et des idées neuves capables d'enrayer la sclérose de l'imagination, au bénéfice d'un paysage fertile qui soit la condition de notre existence autant que son projet.
Un projet du consortium TERRE :
• Carbonifère (Sébastien Lacomblez, Thomas Delin)
• Traumnovelle (Johnny Leya, Léone Drapeaud, Manuel Léon Fanjul)
• Oikopoiese (Sébastien Biset, Lorette Sagouis)
• Design Urbain - ARTS2 (Remy Hans, Maximilien Catania)
Prise de vue et montage: Leslie Artamonow.
Voix: Mélanie De Biasio.
Son: Cercle Futur.
En réponse à l’invitation du Centre Wallonie-Bruxelles, 2020
Oikopoiese LP 2020
LP - Disque Vinyle
Recto : 11 min 26 sec
Verso : 15 min 44 sec
Par Sebastien STh Biset
Enregistrements 2020
OIKOPOIESE
Création de la structure Oikopoiese. Elle a pour but l'expérimentation, la recherche, l'enseignement et la promotion de pratiques et dispositifs artistiques, toutes disciplines confondues et en entendant l'art dans son champ élargi, au travers d'événements, d'ateliers et de dispositifs sans limite de forme, à destination de publics variés.
Cette plate-forme défend une compréhension actualisante de la pratique de l'"art", dont le sens oscille entre sa nature technique (l'ars, la teckhnè : la manière de faire) et sa nature poétique (l'invention). Particulièrement, elle promeut l'art servant l'invention de mondes (tant imaginaires que concrets) singuliers (une cosmopoétique), quelle qu'en soit l'échelle : macro (planétaire) ou micro (domestique), dans une perspective systémique. Son intention, son projet, est l'écopoétique, ou, littéralement, le « faire maison », l'invention de l'habitat (originellement et étymologiquement une unité familiale et de production agricole et artisanale), la manière d'habiter. L'écopoétique est l'invention de manières d'habiter un monde.
Elle poursuit la réalisation de son but par tous les moyens et notamment : par l'organisation d'événements, de rencontres, d'expositions, d'initiations, de ventes et d'échanges valorisant ces arts, quel qu'en soit le médium : qu'il s'agisse de l'art de la céramique ou du tissage, de la musique, de l'édition, de la performance, de la table d'hôte, du jardinage, de l'agriculture ou de l'art brassicole, à titre d'exemples.
www.oikopoiese.art
XHÆLZ : Album 19-20
USB drive cuivrée dans boitier anthracite tissé, assemblé main.
5 exemplaires. Disponible dès juillet 2020.
13 pistes
Instants et lieux : 2019-20
Par Sebastien STh Biset
+ Plus d’infos+ Écouter sur BANDCAMP
À paraître au format numérique sur le label OFF.
Lettre aux jeunes artistes
Mai 2020.
Le Groupe du Dimanche fonde TERRE, un réseau international d'artistes, architectes, historiens, philosophes, économistes, chercheurs en sciences du vivant, enseignants et amateurs éclairés convaincus de la nécessité d'une culture et d'arts réellement contemporains, c'est-à-dire répondant aux enjeux de leur époque selon la logique systémique.
Son projet est métapolitique, épistémologique, praxique, technique, poétique et esthétique. Il s'informe au travers d'actions, de solutions et de dispositifs concrets ; il ne s'agit pas seulement d'imaginer ou de dépeindre le monde, mais de travailler à son organisation.
TERRE est un phénomène du globalisme, un produit du mondialisme. Il en est par ailleurs la réponse, totale, finale.
En mai 2020, TERRE publie dans la Libre Belgique une Lettre aux jeunes artistes.
www.terre.construction
Automédialité : pratique culturelle et invention de soi
Conférence à la Maison des Arts de Schaerbeek, Bruxelles, ce 20 novembre 2019.
Cet exposé se propose de mettre en regard les étapes importantes du surgissement de la subjectivité et de l'individu dans l'art, et son autoreprésentation, de l'époque moderne à nos jours. La question se pose aujourd'hui en termes d'automédialité, en tant que pratique culturelle visant la construction des identités et le déploiement des singularités au travers notamment des pratiques amateurs et des espaces d'autoreprésentation permis par les réseaux sociaux et les technologies actuelles. "Je crée, donc je suis" : la création entre validation de l'estime de soi et désir de légitimité sociale, recherche esthétique et développement de soi.
Du jardin mystique au Tiers paysage (conférences)
Cet exposé offre un voyage dans l'imaginaire et la pratique tant du paysage que du jardin, dont on sait qu’il est un motif et un thème à part entière, dans l’histoire de l’art. En quoi peut-on parler d'une esthétique ou d’une poétique du jardin ? Est-ce faire “œuvre” que de faire “jardin” ? Quels sont ces artistes qui, depuis l'origine de l'ornementation jusqu'aux limites de la figuration moderne, s'inspirent du végétal pour irriguer la création de formes naturelles ? Quelle évolution permet de comprendre la position plus récente d'artistes qui tendent à dépasser l’angle strictement esthétique/artistique de la question au profit d’une vision naturaliste, scientifique, philosophique et politique de la nature, tantôt domestiquée, tantôt sauvage ? Du jardin mystique au Tiers paysage, une histoire de relations possibles entre culture et nature...
13/02/2020 ● « Poétiques du jardin : du jardin mystique au tiers paysage (représentations, conceptions et interprétations en arts) », JAP, Maison de la Culture de Tournai.
12/09/2019 ● « Poétiques du jardin : du jardin mystique au tiers paysage (représentations, conceptions et interprétations en arts) », Hotel de Ville de Woluwe-St-Lambert, Bruxelles.
01/06/2019 ● « Du jardin mystique au tiers paysage », dialogue avec Sébastien Lacomblez, rencontre autour de l’art du jardin, une proposition de Natacha Mottart (LMNO gallery), Grez-Doiceau.
Sallades en ballades
Faisant suite au recueil d’épistoles Sallades publié en fin 2015 (Sérézin et Calisto) voici par Calisto la cassette Sallades en ballades qui réunit ses meilleurs ramages de la période 2017-2018.
ISLÆD : Album 17-18
Un nouvel opus, couvrant la période 2017-2018.
Disque 1 - ISLÆD. 18 pistes, enregistrements de 2017-2018. Angleterre, Portugal, France, Belgique (Le Roeulx, C.N.D.L.).
Disque 2 - ADDENDUM : Traces 2017-2018. Instants et lieux. Immédiatetés, souvenirs bruts, sons et chants “dans toute la vérité de la nature” captés par un smartphone, recueillis et tissés en un fil de 70 minutes.
Moments, musique, silences, bruissements, sursauts, envolées, reculs et retenue, approches, esquisses et à-peu-près par Sébastien STh Biset.
Double album publié sur MNÓAD. Copies disponibles.
Traverser le temps : Le mythe de la conservation à l'épreuve des vanités (conférence)
Dans le cadre de la table ronde “Art et réparation”, intégrant l’exposition du même nom organisée à la Maison des Arts, une conférence sous l'angle de la restauration et de la conservation, renvoyant notamment aux notions d'authenticité et d'originalité (dans son double sens - original/originel), auxquelles pourraient se raccrocher celles de la pérennité et de la vanité. Une approche par étude de cas spécifique et singuliers.
Halles de Schaerbeek, le 23 avril 2019, de 14h à 16h.
Silences : À la croisée (conférence)
Les relations qu'entretiennent, depuis le début du siècle dernier, les arts sonores et visuels donnent lieu à d'innombrables points de rencontres et font emprunter des chemins de traverse de l'expérience poétique. Multi-, inter- et transmédiales, ces œuvres à la croisée des expériences prennent tantôt la forme de l'installation sonore, de la partition graphique, de la recherche synesthétique, de la performance ou d'une lutherie hors-norme. Cet exposé proposera une lecture, une histoire de ces relations, autour d'un aspect essentiel qui les articulent : le silence... et le vide que, souvent à tort, on lui associe.
Conférence à l’École des Arts de Braine-l’Alleud.
Le 16 janvier 2019 à 19h.
Du numérique au jardinage, conférence-dialogue avec Sébastien Lacomblez
Une conférence-dialogue avec Sébastien Lacomblez.
Organisée par le CACLB, Centre d'Art Contemporain du Luxembourg belge, au Palais, Arlon, le 2 octobre 2019.
Organisée par l’Académie des Beaux-Arts de Liège le 19 décembre 2019.
Soumonces au Panorama
Ce 30 juin 2018, Soumonces! revient au Panorama Festival, sur le sommet du terril carolo.